Christophe Cirendini
PEINTURES
et autres papiers peints, gravés ou photographiques
Route locale#1 2022, Huile sur toile, 185 x 185 cm
l'arbre qui cache la forêt
Figurent sur cet espace différentes facettes de mon travail. Peintures sur toiles de grand format mais aussi encres, tempera sur papier et gravures. Quelques photographies réalisées au moyen et grand format dessinent à leur manière les lieux. Les spécificités techniques, comme les différents médiums ne sont qu'accessoires et demeurent attachés à une préoccupation qui a trait aux modifications d'un paysage familier plus intériorisé qu'il n'y parait. L'idée de l'imitation y est étrangère et les signes qui rattachent la figuration au visible sont tour à tour strictement inventés, abstraits, gestuels ou méticuleusement produits sans volonté de hiérarchiser ces distinctions. Ce travail prend corps sans obéissance à un récit pas plus qu'à un désir descriptif, mais s'enracine et se ramifie dans une histoire en lien étroit à un terrain singulier, un lieu depuis lequel les choses prennent forme, tissent et trament des liens, survivent aux ruptures et bifurquent pour trouver une voie.
Y figure en revanche une réitération obstinée du motif de l'arbre et des bois, entre autres séries, dans de nocturnes éclairés par le balayage des feux d'un véhicule dans les virages. Perception happée au détour d'une courbe trop rapide pour capter le moindre détail. Le bois y est un corps global abritant ou exposant d'autres corps naissant ou finissants, blessés en leur base privée de lumière et tentant de se dégager vers les hauteurs. Arbres sans branches, mis à nu, arbres coupés de leur base, rare feuillage et branches cassantes comme du verre, arbres en vie entre deux espaces, ni vraiment ancrés dans le sol ni en capacité de s'en extraire. Corps-arbre autant qu'arbre-corps à bras le corps. Pas de célébration nostalgique d'une nature dépossédée de ses droits, pas d'invention d'un Eden où se réfugier, pas plus que de constat d'une dystopie en marche. Ces arbres seuls, dont les solitudes parfois se côtoient, comme dans ces marécages où ils renaissent de leur propre pourriture sont comme de courts poèmes qui reviennent sur les lieux d'un crime essentiel d'une évidence désarmante, naître et croître c'est déjà mourir.
Ceci figure un langage muet qui, par sa forme comme dans sa matérialité, préexiste à l'écriture et se fait tant l'écho d'une expérience sensible du réel qu'il produit le monde de signes qui le nourrit.